Prescription sécurisée du tramadol et des opiacés

À l’aube d’un changement réglementaire majeur, les professionnels de santé doivent se préparer à une nouvelle ère dans la prescription des opioïdes. À partir du 1er mars 2025, soit dans quelques heures, la prescription du tramadol et de la codéine sera soumise à des règles plus strictes, visant à renforcer la sécurité des patients et à lutter contre le mésusage de ces substances. Cet article détaille les nouvelles exigences, leurs implications pour les médecins et vétérinaires, ainsi que les mesures transitoires mises en place pour faciliter ce changement.

Une ordonnance sécurisée est un document spécial conçu pour être difficile à falsifier. Elle présente plusieurs caractéristiques techniques spécifiques :

  • Papier filigrané blanc naturel sans azurant optique
  • Mentions pré-imprimées en bleu
  • Numérotation de lot permettant d’identifier le prescripteur
  • Carré en micro-lettres indiquant le nombre de spécialités prescrites

Ces ordonnances répondent à la norme AFNOR NF280 et doivent être commandées auprès d’imprimeurs agréés. Sur ces documents, le dosage, la posologie et la durée du traitement doivent être écrits en toutes lettres, ce qui rend les modifications frauduleuses beaucoup plus difficiles.

À partir du 1er mars 2025, tous les médicaments contenant du tramadol, de la codéine ou de la dihydrocodéine devront être prescrits sur une ordonnance sécurisée. Cette mesure concerne de nombreuses spécialités pharmaceutiques couramment utilisées pour le traitement de la douleur modérée à sévère, qu’elles soient destinées à la médecine humaine ou vétérinaire.

La durée maximale de prescription pour tous ces médicaments sera désormais limitée à 12 semaines. Cette harmonisation aligne la durée de prescription de la codéine et de la dihydrocodéine sur celle du tramadol. Au-delà de cette période, une nouvelle ordonnance sécurisée sera nécessaire pour poursuivre le traitement.

Ces nouvelles règles s’appliquent à l’ensemble des professionnels de santé habilités à prescrire ces substances :

  • Médecins
  • Chirurgiens-dentistes
  • Sages-femmes (dans leur domaine de compétence)
  • Vétérinaires

Pour les vétérinaires, cette obligation s’applique même lorsqu’ils dispensent directement les médicaments à leurs patients animaux, ce qui constitue une nouveauté importante dans leur pratique.

Les opioïdes comme le tramadol et la codéine présentent des risques significatifs de mésusage, de dépendance, d’abus et de surdosage. L’usage abusif de ces substances peut entraîner :

  • Une dépendance physique et psychologique
  • Des risques de surdosage potentiellement mortels
  • Des effets secondaires graves comme la dépression respiratoire
  • Des problèmes de santé physique à long terme (constipation chronique, nausées)
  • Des troubles de la santé mentale (dépression, anxiété)

Les enquêtes de pharmacodépendance et d’addictovigilance ont documenté une augmentation préoccupante des cas d’abus de tramadol et de codéine. Selon certaines études, plus de 9,4% des utilisateurs de tramadol en font un usage abusif. Ces substances, initialement conçues pour soulager la douleur, peuvent devenir problématiques lorsqu’elles sont utilisées de manière inappropriée, que ce soit en augmentant les doses, en les prenant plus fréquemment, ou en les détournant de leur usage médical.

Parmi les problèmes identifiés figurent :

  • La falsification d’ordonnances classiques, relativement facile à réaliser
  • Le « doctor shopping« , qui consiste à consulter plusieurs médecins pour obtenir des prescriptions multiples
  • Le « vet-shopping« , phénomène similaire où des propriétaires d’animaux consultent différents vétérinaires pour obtenir des médicaments à usage personnel

Environ 13% des vétérinaires ont déjà suspecté que des propriétaires ont falsifié la maladie de leur animal ou l’ont blessé intentionnellement pour obtenir des analgésiques comme le tramadol.

Cette évolution réglementaire s’inscrit dans un contexte international de lutte contre la crise des opioïdes, particulièrement virulente en Amérique du Nord. En 2021, plus de 10 millions d’Américains âgés de 12 ans et plus ont fait un usage abusif d’opioïdes, contribuant à des milliers de décès par surdose. La France, bien que moins touchée, adopte une approche préventive pour éviter une situation similaire.

Les ordonnances établies avant le 1er mars 2025 resteront valables jusqu’à la fin du traitement prescrit. Cependant, elles ne pourront pas être renouvelées sous l’ancien format. Pour tout renouvellement après cette date, une nouvelle ordonnance sécurisée sera nécessaire.

Pour faciliter la transition et éviter des ruptures de traitement, une période d’adaptation est prévue. Entre le 1er et le 31 mars 2025, les prescriptions non sécurisées établies pendant cette période pourront exceptionnellement être honorées, y compris pour les renouvellements. Cette mesure temporaire vise à donner aux professionnels de santé le temps de s’adapter aux nouvelles exigences.

La continuité des soins étant une priorité, des dispositions ont été prises pour éviter toute interruption de traitement :

  • Les pharmaciens pourront délivrer les médicaments prescrits sur des ordonnances non sécurisées jusqu’au 31 mars
  • Les patients sous traitement chronique sont encouragés à consulter leur médecin avant cette date pour obtenir une nouvelle prescription conforme
  • Les vétérinaires devront informer les propriétaires d’animaux sous traitement de ces changements

Les patients devraient :

  • Vérifier la date d’expiration de leurs ordonnances actuelles
  • Anticiper les rendez-vous médicaux pour obtenir de nouvelles prescriptions
  • Ne pas attendre le dernier moment pour renouveler leurs traitements

S’informer auprès de leur pharmacien sur la validité de leurs ordonnances

Pour les médecins et dentistes, cette nouvelle réglementation implique :

  • La nécessité de commander des ordonnances sécurisées auprès d’imprimeurs agréés
  • L’adaptation de leurs pratiques de prescription, notamment l’écriture en toutes lettres
  • Une vigilance accrue concernant les demandes suspectes de renouvellement
  • Une information claire aux patients sur les nouvelles modalités

Ces changements peuvent sembler contraignants, mais ils s’inscrivent dans une démarche globale de sécurisation du circuit du médicament.

Les vétérinaires sont particulièrement concernés par cette évolution, avec des implications spécifiques :

  • Obligation d’utiliser des ordonnances sécurisées même pour les médicaments qu’ils dispensent directement
  • Nécessité d’informer les propriétaires d’animaux des changements de réglementation
  • Vigilance accrue face aux demandes suspectes de médicaments opioïdes
  • Adaptation des protocoles de prise en charge de la douleur animale

Plusieurs médicaments vétérinaires sont concernés par cette nouvelle réglementation :

  • Deux médicaments à base de codéine (BRONCHOCANIS et BRONCHOSED), indiqués pour le traitement symptomatique des affections respiratoires chez le chien et le chat
  • Dix-sept médicaments à base de tramadol (comme TRAMVETOL, TRALIEVE, TRAMADOG), utilisés pour réduire les douleurs aiguës et chroniques chez le chien

Ces médicaments, même dispensés directement par le vétérinaire, devront faire l’objet d’une prescription sur ordonnance sécurisée.

Les professionnels de santé devront faire face à plusieurs défis logistiques :

  • Approvisionnement en ordonnances sécurisées avant la date butoir
  • Formation du personnel aux nouvelles exigences
  • Adaptation des logiciels de prescription électronique
  • Communication avec les patients et propriétaires d’animaux

Des clarifications sont encore attendues concernant les prescriptions numériques, un point qui suscite des interrogations parmi les professionnels.

Les patients et propriétaires d’animaux peuvent identifier une ordonnance sécurisée par plusieurs caractéristiques :

  • Présence d’un filigrane visible à la lumière
  • Mentions pré-imprimées en bleu
  • Carré spécifique indiquant le nombre de médicaments prescrits
  • Dosage, posologie et durée écrits en toutes lettres

Cette connaissance peut aider à prévenir l’utilisation d’ordonnances falsifiées.

Lors de la délivrance des médicaments en pharmacie :

  • Présenter une pièce d’identité peut être nécessaire
  • Le pharmacien vérifiera attentivement l’ordonnance
  • Seule la quantité exacte prescrite sera délivrée
  • Les renouvellements seront soumis à des règles strictes

Pendant la période de transition, il est recommandé de se renseigner auprès de son pharmacien sur les modalités spécifiques.

Pour éviter toute interruption de traitement :

  • Prendre rendez-vous avec son médecin ou vétérinaire suffisamment à l’avance
  • Ne pas attendre la fin de son traitement pour demander un renouvellement
  • Conserver précieusement les ordonnances sécurisées
  • S’informer sur les alternatives thérapeutiques disponibles

Une bonne planification permettra d’éviter les situations d’urgence.

Pour certains patients, il peut être utile d’explorer des alternatives :

  • Autres analgésiques non opioïdes pour la gestion de la douleur
  • Approches non médicamenteuses (physiothérapie, acupuncture)
  • Traitements locaux plutôt que systémiques
  • Prise en charge multidisciplinaire de la douleur

Ces alternatives peuvent réduire la dépendance aux opioïdes tout en assurant un contrôle efficace des symptômes.

L’instauration de la prescription sécurisée pour le tramadol et les opiacés marque une étape importante dans la sécurisation de l’usage de ces médicaments. À quelques heures de l’entrée en vigueur de cette mesure, il est essentiel que tous les acteurs concernés – professionnels de santé, patients et propriétaires d’animaux – soient informés et préparés.

Cette évolution réglementaire, bien que contraignante à court terme, devrait contribuer significativement à la réduction des risques liés au mésusage des opioïdes. La période de transition prévue en mars 2025 permettra une adaptation progressive, évitant les ruptures de traitement tout en renforçant progressivement la sécurité.

À plus long terme, cette mesure s’inscrit dans une stratégie globale de lutte contre l’usage inapproprié des substances psychoactives, avec pour objectif la protection de la santé publique et animale. La vigilance de tous les acteurs et leur adhésion à ces nouvelles pratiques seront déterminantes pour le succès de cette réforme.

Sources :

https://ansm.sante.fr/actualites/tramadol-et-codeine-les-nouvelles-regles-de-prescription-et-delivrance-entrent-en-vigueur-le-1er-mars-2025

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